jeudi 20 septembre 2007

L'Amazonie asphyxiée par le soja / A Amazônia asfixiada pela soja

L’Amazonie asphyxiée par le soja
Hubert Prolongeau avec Béatrice Marie (Le Monde, édition du 19.09.07)


Le petit avion a pris son envol. La forêt s'étend à perte de vue, tête immense dont la chevelure tutoie le ciel. L'Amazonie. Le poumon de la planète. La forteresse verte. D'un coup, la déchirure. La forêt s'ouvre. Blessée. Rasée. Le poumon tousse. La forteresse se fissure. Le paysage est soudain désolé. Des troncs abattus jonchent le sol, les plus résistants n'exhibant plus qu'un moignon noir de fumée. La terre laisse apparaître sa dernière couche, griffée à mort par les sillons des cultures. Parfois émerge encore de la marée des champs, solitaire et incongru, le tronc d'un châtaignier. Un survivant.

L'Etat du Para sera-t-il bientôt aussi dépouillé que son voisin, le Mato Grosso ? Depuis janvier 2003, date d'arrivée de Lula au pouvoir, 70 000 km2 ont été sacrifiés au soja, l'un des plus féroces ennemis de la forêt brésilienne. Au début des années 1980, il poussait essentiellement aux Etats-Unis, qui assuraient 90 % de sa diffusion. En 2003, les exportations combinées du Brésil et de l'Argentine sont passées devant. L'immense pays de Lula est devenu la patrie du nouvel or vert.

Trois grosses sociétés américaines ont vu venir la manne : ADM, Bunge et Cargill. Cargill a même installé à Santarem, troisième ville amazonienne, un port. Complètement illégal. Tous les mois, deux cargos en partent en direction de l'Europe, emportant chacun 90 000 tonnes. "Le soja dévore l'Amazonie. Je ne reconnais plus ma ville", dit Cayetano Scannavino, membre de l'ONG Santé et bonheur.

Dans les rues de Santarem, on voit de plus en plus de gros 4×4, conduits par des gauchos venus du sud du pays. Depuis qu'un rapport de Greenpeace, "Eating up the Amazon", a mis le feu aux poudres, des autocollants ornent beaucoup de voitures "Greenpeace dehors. L'Amazone est aux Brésiliens". La tension est palpable. A la Cooper Amazon, société qui distribue des fertilisants, Luis Assuncao, le directeur, ne cache pas sa haine : "Ici, maintenant, c'est la guerre. Une guerre froide."

Au Mato Grosso, le gouverneur de l'Etat, Blairo Maggi, propriétaire de l'usine Amaggi, est l'un des plus gros producteurs de soja au monde. Il a construit une ville entière, Sapezal, pour loger sa main-d'oeuvre, fait bâtir à Itacoatoara un port en eau profonde, et proposé pour faciliter le transport de bitumer à ses frais 1 770 km de la route BR163. Quand on lui parle déforestation, Blairo Maggi ironise sur la taille de l'Amazonie et affirme que la culture du soja est "bénéfique". Du moins le faisait-il quand il acceptait encore de parler aux journalistes, tous suspects désormais d'être des "sous-marins" de Greenpeace.

Retour au Para. Comme tous les dimanches, il y a fête à la fazenda Bela Terra près de Santarem. Le cuisinier fait griller de gigantesques brochettes. La bière coule à flots. Les hommes sont à peine endimanchés, les femmes s'assoient à table en égales. C'est un joyeux brouhaha, une réunion de clan. L'entrée est fermée par une grille blanche, un panneau signale la présence de deux chiens méchants.

Entre eux, les producteurs de soja, les sojeiros rigolent, parlent affaires, se serrent les coudes. Devant l'étranger, la méfiance est de mise. Otalhio, 33 ans, fournit des fertilisants et des engrais. Le visage bouffi, il engouffre d'épaisses tranches de viande. Sa mère est brésilienne, son père uruguayen, et ils vivent encore près de la frontière, 5 000 km plus haut. "C'est dur, je ne les vois plus." Il écrase une larme. Puis se fâche. "On nous appelle les gauchos, les bandits, les voleurs..." D'une main conquérante, il montre le sol. "Les gens ici ne font rien de leur terre. Ils restent parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Ils veulent avoir la télé et aller en ville. Nous, on leur propose une autre manière de vivre."

Tonio Antares, propriétaire de quelques milliers d'hectares, revendique lui aussi ce droit à massacrer son pays. Petit, les yeux vifs, la peau rougie par un soleil qu'il n'apprivoisera sans doute jamais, il reste convaincu d'apporter avec lui prospérité et civilisation. "Le pays appartient aux Brésiliens. Nous venons aider cette région à se développer."

Mais à qui profite ce développement ? Marcello da Silva a acheté deux pelleteuses et les loue aux exploitants contre un pourcentage de la récolte. De décembre à avril, il est dans le Mato Grosso, de mai à août dans le Para. Le reste du temps, il conduit des convois. Grand, costaud, les yeux bleus, il évoque plus le cow-boy Marlboro que l'Indien de la forêt. Un peu rustre, peut-être, prompt à aligner les bières. Mais confiant en son étoile. Le soja le rendra riche, il en est sûr. Sa femme, Patricia, veut acheter du terrain. Beaucoup de terrain. "Les Américains vont commencer à planter de la canne à sucre. Là, on va gagner beaucoup." Ils vivent à Santarem, aimeraient avoir des enfants. L'avenir leur sourit.

Mais rares sont ceux qui tirent leur épingle du jeu. Le coût social payé à la petite plante est très lourd. L'Amazonie s'est peuplée par à-coups, sur des promesses non tenues qui, de boom du caoutchouc en construction de la Transamazonienne, ont fait venir les miséreux du Nordeste et du Minas Gerais. Ils ont pris des terres, les ont ensemencées, n'en ont jamais eu les titres de propriété. Depuis ils végètent, prisonniers de ce qu'on appelle pudiquement l'"agriculture familiale". Une proie idéale pour les sojeiros, surnommés à Santarem les "sujeiros" ("salisseurs").

Tout au long de la BR163, la même histoire s'est répétée. Des hommes sont venus, ont demandé à ces petits exploitants de partir en leur montrant des titres de propriété. D'où les tenaient-ils ? Souvent de l'Incra (Instituto Nacional de Colonizaçao e Reforma Agraria), où la corruption permet l'achat de faux certificats, mis à vieillir dans un tiroir avec des grillons. "Ces gens n'avaient aucune culture de l'argent, explique le Padre Edilberto Sena, infatigable militant écologiste. Ils ont vendu à bas prix, et tout claqué. Ils se sont retrouvés démunis, et sans outil de travail."

Au kilomètre 38, Marlène Nascimento de Lima pleure ses terres perdues. "J'ai du mal à repasser devant chez nous. Il n'y a plus que des champs. Quarante familles vivaient là..." Elle avait commencé par refuser de vendre. Mais les sojeiros ont acheté les terrains limitrophes au sien. La vermine, chassée par les pesticides, a envahi son champ. Ses voisins sont partis, elle a fini par céder...

La violence a eu sa part dans ces conquêtes. A Pacoval, en 2004, à deux heures de piste de Santarem, vingt-cinq maisons ont brûlé. A Corte Corda, deux syndicalistes ont été tués. A Belterra, ancienne capitale du caoutchouc, on a "forcé" beaucoup de gens à partir... A Santarem, Ivete Bastos, présidente du syndicat des travailleurs de la terre, a un jour trouvé des femmes avec de l'essence devant chez elle, prêtes à mettre le feu à la maison... Un ancien légionnaire espagnol, propriétaire d'une salle de musculation à Santarem, se vante d'exécuter des missions de nettoyage pour les "fazendeiros". Dans la périphérie se multiplient les bidonvilles de bois construits sur des terrains abandonnés.

Régulièrement, la police brésilienne fait une descente dans les grandes propriétés et en délivre des esclaves. On les a fait venir en leur promettant des salaires élevés. A leur arrivée dans la forêt, ils découvrent que leur paye a fondu. Des gardes leur interdisent de repartir. Les biens de première consommation leur sont fournis par le propriétaire. Ils s'endettent, et ne pourront jamais rembourser. "Ils étaient dans un état redoutable quand nous sommes arrivés", raconte un policier intervenu sur la ferme Vale do Rio Verde en 2005. Il n'y avait pas de sanitaires. Les ouvriers travaillaient pieds nus. Huit mille sept cents de ces esclaves ont été repérés dans les Etats producteurs de soja. En 2004, l'armée est intervenue dans 236 fermes utilisant 6 075 travailleurs, dont 127 enfants. Bunge, Cargill et Amaggi étaient en affaires avec elles.

Pour mieux aider à l'expansion du soja, des entreprises comme la Cooper Amazon proposent des pesticides et des semences génétiquement modifiées. "La chaîne est en place : d'un côté, Monsanto, de l'autre, Cargill", accuse Edilberto Sena. Les pesticides ont déjà provoqué des ravages écologiques, le vent portant ceux que déversent les avions jusque dans les rivières. En 2005, une sécheresse terrible a frappé la région. Les poissons mouraient dans des flaques trop petites. Aujourd'hui, 20 % de la forêt brésilienne est morte. Même si un moratoire mis en place en 2006 a donné des résultats positifs (41 % de baisse de la déforestation en 2006-2007), 40 % de l'Amazonie pourraient avoir disparu d'ici vingt ans.

Le pire, ce pire qu'espèrent Marcello et Patricia, est peut-être encore à venir : l'explosion des biocarburants. Vingt millions d'automobilistes brésiliens utilisent déjà l'éthanol. Les voitures "flex-fuel", qui laissent le choix entre éthanol et essence, ont représenté près de 80 % des ventes de voitures en 2005. Six cents stations-service commercialisent déjà un "biodiesel", dans lequel on retrouve du soja. Où vont s'installer les plantations ? "Le Brésil sera l'Arabie saoudite du XXIe siècle", prophétisent certains. Jusqu'au désert ?

Le temps que vous lisiez cet article, une superficie correspondant à 75 terrains de football a été déforestée.

Voici l'adresse de l'article:

L'Amazonie asphyxiée par le soja
LE MONDE | 18.09.07

© Le Monde.fr


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A Amazônia asfixiada pela soja
Hubert Prolongeau e Béatrice Marie

Artigo publicado no Le Monde, “L’Amazonie asphyxiée par le soja” (19/09/2007).


O teco-teco decola. A floresta espalha-se a perder de vista, e a sua cabeça imensa envia a cabeleira rumo ao céu. A Amazônia. Pulmão do planeta. Floresta verde. De repente, uma clareira. A floresta trinca. Ferida. Arrasada. O pulmão tosse. A floresta se racha. Daí para frente, a paisagem é só desolação: troncos derrubados se amontoam no chão, as árvores mais resistentes expõem apenas um resto de cepo negro esfumaçado. A terra exibe na camada superior o arranhão mortal dos sulcos das plantações. Às vezes, um tronco de castanheira emerge deste mar de campos, solitário, incongruente. Um sobrevivente.

Será que o Pará vai ficar tão despojado quanto o seu vizinho Mato Grosso? Desde janeiro de 2003, quando Lula chegou ao poder, 70 000 km2 da floresta brasileira foram imolados para um dos seus mais ferozes inimigos, a soja. No inicio de 1980, era cultivada essencialmente nos Estados Unidos, que garantiam 90% da sua comercialização. Em 2003, as exportações reunidas do Brasil e da Argentina tomaram à dianteira. O imenso país do Lula tornou-se a pátria do novo ouro verde.

Três grandes firmas americanas pressentiram esse maná: ADM, Bunge e Cargill. Cargill construiu inclusive um porto em Santarém, terceira cidade amazonense. Completamente ilegal. Todos os meses, dois navios zarpam para a Europa levando, cada um, 90 000 toneladas. “A soja está devorando a Amazônia. Já não conheço mais minha cidade”, afirma Caetano Scanavino, membro da ONG Santé et Bonheur (“Saúde e Felicidade”).

Nas ruas de Santarém passam, por todos os cantos, enormes caminhões 4x4 dirigidos por gaúchos, vindos do sul do país. Depois de uma denúncia do Greenpeace, “Eating up the Amazon”, desencadeou-se uma onda de indignação, muitos carros colaram adesivos “Fora Greenpeace. A Amazônia é brasileira”. A tensão é palpável. Luis de Assunção, diretor da Cooper Amazon, empresa de adubos, não dissimula a sua ira: “Aqui, agora, é a guerra. A guerra fria”.

O governador do Mato Grosso, Blairo Maggi, dono da fábrica Maggi, é um dos maiores produtores de soja do mundo. Ergueu uma cidade inteira, Sapezal, somente para seus trabalhadores, construiu um porto em Itacoatiara para navios de grande calado, e, propõem-se a asfaltar às suas custas 770 km da BR163. Quando alguém pronuncia a palavra desflorestamento, Blairo Maggi ironiza e fala do tamanho da Amazônia afirmando que a cultura da soja é “benéfica”. Pelo menos era o que dizia quando ainda aceitava falar com jornalistas. Agora, todos estão suspeitos de serem “submarinos” do Greenpeace.

Retorno ao Pará. Como todos os domingos, há festa na fazenda Bela Terra, perto de Santarém. O cozinheiro assa espetos gigantescos. A cerveja jorra. Homens e mulheres, vestidos à vontade, sentados na mesa lado a lado. É um alvoroço festivo, uma reunião de clã. Um portão branco fecha a entrada, um cartaz indica a presença de dois cachorros bravos.

No meio da festa, os homens da soja dão gargalhadas, discutem negócios, demonstram solidariedade diante dos estrangeiros, a desconfiança é regra. Otalhio, 33 anos, é fornecedor de fertilizantes e adubos. Suas bochechas inchadas engolem enormes pedaços de carne. A mãe é brasileira, o pai uruguaio, e os dois vivem perto da fronteira, 5 000 km além. “É difícil para mim. Já não os vejo mais.” Ele enxuga uma lágrima e se enfeza: “Aqui nos tratam de gaúchos, bandidos e ladrões...” Com um gesto da mão decidido, ele mostra o chão: “O povo daqui não aproveita a terra. Eles só não se vão porque não podem. O que eles querem é ter televisão e ir para a cidade. Nós propomos a eles outra forma de vida.”

Tonio Antares, proprietário de alguns milhares de hectares, também reivindica o direito de massacrar o país. Baixo, de olhos vivos, de pele avermelhada por um Sol ao qual jamais se acostumará, está convencido de que traz consigo prosperidade e civilização. “O país pertence aos brasileiros. Vamos ajudar esta região a se desenvolver.”

Entretanto, quem aproveita desse desenvolvimento? Marcelo da Silva tem duas escavadeiras que aluga aos cultivadores em troca de uma porcentagem da colheita. De dezembro a abril, vive no Mato Grosso, de maio a agosto no Pará. O resto do tempo transporta a safra. Alto, corpulento e de olhos azuis, parece mais o cowboy do Molboro do que índio. Descortês, talvez, rápido ao beber cerveja, confia no seu signo. É claro que ele vai virar rico com a soja. A sua mulher, Patrícia, quer comprar terra. Muita terra. “Quando os americanos começarem a plantar cana de açúcar, nós vamos ganhar muito dinheiro.” Eles moram em Santarém e gostariam de ter filhos. O futuro deles é promissor.

Entretanto, poucos são os bem-sucedidos. O preço social pago para esta pequena planta é muito pesado. A Amazônia, desde a época da borracha até a construção da Transamazônica, foi povoada por sacadas, atraindo retirantes do Nordeste e de Minas Gerais, iludidos por promessas não cumpridas. Eles ocuparam terras, semearam, sem jamais obterem os títulos de propriedade. Desde então vegetam, prisioneiros do que se chama pudicamente “agricultura familiar”, e representam uma presa ideal para os sojeiros, cognominados “sujeiros” em Santarém.

Às margens da BR163 repete-se sempre a mesma história. Um dia chegam homens que pedem a esses pequenos cultivadores para irem embora, mostrando títulos de propriedade. De onde vêm esses documentos? Muitas vezes do INCRA (Instituo de Colonização e Reforma Agrária), onde vinga a corrupção que permite a compra de falsos certificados, que foram engavetados durante muito tempo. “Essa gente não tinha nenhuma noção de dinheiro”, explica o padre Edilberto Sena, incansável militante ecologista. “Eles venderam barato, e gastaram tudo. Agora estão desprovidos, e sem meios de subsistência.”

No quilômetro 38, Marlene Nascimento de Lima lamenta as terras perdidas. “Sofro muito quando passo diante da nossa casa. Só há campo onde quarenta famílias moravam antigamente...” No início, ele recusara vender. Mas os homens da soja compraram os terrenos em volta. Os insetos nocivos invadiram os campos ao redor, fugindo dos pesticidas. Quando os vizinhos se foram, ela acabou vendendo...

Também houve violência. Em Pacoval, em 2004, a duas horas de Santarém, vinte cinco casas foram queimadas. Em Corte Corda, mataram dois sindicalistas. Em Belterra, antiga capital da borracha, muita gente foi “obrigada” a ir embora... Em Santarém, Ivete bastos, presidente do sindicato dos trabalhadores da terra, surpreendeu um dia umas mulheres com gasolina diante da casa dela, prestes a pôr fogo... Um ex-legionário espanhol, proprietário de uma sala de ginástica de Santarém, gaba-se de executar missões de limpeza encomendadas pelos “fazendeiros”. Na periferia multiplicam-se as favelas de madeira em terrenos baldios...

Regularmente, a policia brasileira dá batidas nas grandes propriedades para libertar escravos. Estes são atraídos por promessas de bom pagamento. Mas quando chegam à floresta, o salário mingua. Os capangas fecham as saídas e os bens de primeira necessidade são vendidos pelos fazendeiros. Os coitados se endividam, sem jamais conseguirem pagar. “Estavam num estado miserável quando chegamos”, diz um policial que interveio na fazenda Vale do Rio Verde, em 2005. Não havia privadas. Os bóias-frias trabalhavam descalços. Oito mil e setecentos escravos como esses foram encontrados nos estados produtores de soja. Em 2004, o exército entrou em 236 fazendas que empregavam 6075 trabalhadores, dentre os quais 127 crianças. Bunge, Cargill e Amaggi eram clientes deles.

Para expandir a cultura da soja, empresas como a Cooper Amazon vendem pesticidas e sementes geneticamente modificadas. “A corrente é essa: numa ponta, Monsanto, na outra, Cargill”, acusa Edilberto Sena. Os pesticidas já provocaram desastres ecológicos, pois, os ventos levam para os rios o que os aviões espalham no ar. Em 2005, uma seca terrível assolou a região. Os peixes morriam em pequenas poças. Hoje, 20% da floresta brasileira já sumiu. A despeito do resultado positivo da lei de 2006 (que permitiu uma diminuição de 41% do desflorestamento), 40% da Amazônia poderá ter desaparecido nos próximos vinte anos.

O pior – esse pior que tanto esperam Marcelo e Patrícia – talvez seja o que está por vir: a explosão dos biocarburantes. Vinte milhões de automobilistas brasileiros já usam o álcool. Os carros “flex-fuel”, que permitem a escolha entre o álcool e a gasolina, já representavam quase 80% das vendas, em 2005. Hoje, seiscentos postos comercializam um “biodiesel”, feito a base de soja. Onde vão ser plantadas? “O Brasil será a Arábia saudita do século XXI”, profetizam alguns. Inclusive no deserto?

Enquanto você lia este artigo, uma área igual a 75 campos de futebol foi desflorestada.

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Michel L a dit…

Le vrai-faux déclin de la viande

Une bonne grosse côte de bœuf, régulièrement ? Ce plaisir sera peut-être interdit aux générations futures, tant la production et la consommation de viande font l'unanimité contre elles. Au point qu'un nombre croissant de personnes, dans les pays occidentaux, ont déjà décidé d'y renoncer.
La liste des méfaits de la viande est longue. Risques pour la santé, une surconsommation favorisant les maladies cardio-vasculaires, l'obésité ou le diabète. Mais surtout, au niveau mondial, risque de développement des épizooties et danger pour la sauvegarde de la planète. Les productions d'origine animale - viande, oeufs, produits laitiers - sont en effet extrêmement polluantes. Les milliards de tonnes de déjections qui en sont issus engendrent des rejets azotés dans les sols et les rivières. Et l'élevage, à lui seul, représente 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Soit une contribution au réchauffement climatique plus élevée que celle des transports.
Autre point noir de cette production : sa propre consommation. Les pâturages occupent 30 % des surfaces émergées, et plus de 40 % des céréales récoltées servent à nourrir non pas directement les hommes, mais le bétail. Les zones disponibles étant insuffisantes pour répondre à la demande, l'élevage peut provoquer lé défrichage de forêts. Il est gourmand en matière première et en eau...
En bref, la production animale pose question. D'autant plus que la Terre, d'ici à 2050, aura 9 milliards de bouches à nourrir.
Dans ce contexte, doit-on prévoir la fin de la viande pour ce siècle, ou du moins son déclin ? On serait tenté de le croire. Pourtant, cette vision est contredite par tous les prévisionnistes. Au contraire, c'est à une augmentation de la consommation mondiale qu'il faut s'attendre. De tout temps, et dans tous les pays, en effet, l'augmentation du revenu est allée de pair avec la progression de la consommation de viande. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement dans les pays émergents, d'où viendra l'accroissement de la population.
Entre 2007 et 2016, selon les perspectives communes FAO-OCDE, la production mondiale de viande devrait ainsi augmenter de 9,7 % pour le boeuf, de 18,5 % pour le porc et de 15,3 % pour le poulet. Principalement en Inde, en Chine et au Brésil. D'ici à 2050, la production de viande pourrait même doubler, passant de 229 millions de tonnes au début des années 2000 à 465 millions. Il en va de même pour celle de lait. Du fait de la démographie, bien sûr, mais aussi de l'augmentation des besoins en fonction de l'évolution de la population (plus jeune, plus urbaine, plus grande) et de la modification du régime alimentaire.
« Dans les pays du Sud, la difficulté est de permettre aux gens de manger. Ces trente dernières années, la consommation de viande y a diminué drastiquement, surtout en Afrique, et ce manque de protéines animales fait que les gens sont en état de malnutrition », rappelle Renaud Lancelot, chargé de mission santé animale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Bruno Parmentier, directeur d'une école d'ingénieurs en agriculture, estime quant à lui que l'évolution de la consommation de produits d'origine animale dépend de trois grandes questions, qui montrent le lien étroit entre consommation de viande et pratiques culturelles. La religion hindoue, comme la religion catholique, va-t-elle décliner, et, dans ce cas, l'Inde va-t-elle consommer beaucoup de viande ? Les Chinois vont-ils se mettre à boire du lait si on leur propose un produit qu'ils parviennent à digérer ? Les Occidentaux vont-ils continuer à manger du porc, si ce dernier devient un réservoir pour les transplantations d'organes ?
Quoi qu'il en soit, une nouvelle répartition géographique de la consommation devrait se mettre en place, qui. consistera en un double mouvement de balancier: diminution de la ration carnée dans les pays riches, où il y a excès, et augmentation dans les pays pauvres, où il y a carence. De quoi combler un peu la disparité actuelle: si l'on consomme dans le monde, selon une étude publiée par la revue médicale britannique The Lancet (datée du 13 septembre), 100 grammes de viande par jour et par personne, ce taux moyen atteint 200 à 250 grammes dans les pays développés, et plafonne entre 20 et 25 grammes dans les pays pauvres.
« Si l'on considère que la population globale va augmenter de 40 % d'ici à 2050 et si aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au bétail n'intervient, la consommation de viande devra baisser à 90 grammes par jour et par personne pour stabiliser les émissions de ce secteur », affirment dans The Lancet les auteurs de l'étude. Il faudrait donc, d'ores et déjà, inciter les consommateurs des pays riches à prendre conscience des dégâts provoqués par leur consommation abusive. Et envisager au niveau mondial, non pas de produire moins, mais de produire autrement, afin de réduire les effets négatifs de l'élevage sur l'environnement.
Comment suivre les préceptes de la FAO, selon laquelle les coûts environnementaux par unité de production animale devraient « être réduits de moitié, ne serait-ce que pour éviter d'aggraver le niveau des dégâts » ? En incluant, comme le suggère son chargé des questions animales Grégoire Tallard, « le coût environnemental dans le prix des viandes », selon le principe du pollueur payeur ? En privilégiant la consommation de volailles, écologiquement moins agressive que d'autres productions ?
La FAO préconise également l'amélioration des pratiques d'élevage. Une des pistes fort attendues concerne le séquençage des génomes complets des principales espèces (en cours pour la plupart), qui devrait permettre d'accélérer les sélections et de faire coïncider, par exemple, rusticité (donc résistance aux maladies) et productivité.
Les recherches se concentrent par ailleurs sur des rations alimentaires du bétail plus économes, ou encore sur le système digestif des ruminants. La fermentation entérique des bovins (productrice de méthane, lequel agit vingt-trois fois plus que le C02 sur le réchauffement climatique) pourrait ainsi être mieux maîtrisée. Par exemple par l'utilisation d'additifs alimentaires à base d'huile végétale. Ou encore grâce à une ration plus concentrée en céréales. « Nous avons mené une expérimentation sur de jeunes taurillons et avons ainsi réussi à Ies faire grandir plus vite, ce qui permettait de réduire les émissions de méthane », explique Jacques Agabriel, zootechnicien à l'INRA de Clermont-Ferrand. Mais la production animale étant un système complexe, ce qui confère ici un avantage écologique entraîne là un inconvénient économique (une plus grande consommation de céréales). D'où la nécessité, pour faire émerger un système d'élevage durable, de s'orienter vers une approche globale. A l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), un groupe de réflexion sur la place des produits animaux dans l'alimentation, qui réunit sociologues, zootechniciens, économistes, nutritionnistes et agronomes, s'est déjà attelé à la tâche.
Alors qu'on parlait il y a dix ans de désintensification des systèmes de production, ce concept a été remplacé par un autre : celui d'agriculture écologiquement intensive. La question de la viande est un excellent exemple de cette quête.

LAETITIA CLAVREUL Le Monde du 23-24/09/2007