mercredi 30 décembre 2009

Comment j'ai perdu mon identité nationale

Par Michka Assayas, écrivain et producteur à France Musique.

Voici un article inquiétant publié par Le Monde du 30 décembre 2009. Si nous connaissons cette histoire c'est parce que Michka Assayas peut disposer d'une tribune. Combien d'autres subissent l'arbitraire en silence? Les démocrates doivent réagir d’urgence contre cette dérive sécuritaire et fasciste.

Nicolas Sarkozy écrit que "le sentiment de perdre son identité peut être une cause de souffrance profonde" (Le Monde du 9 décembre). Il ne croit pas si bien dire. L'histoire que j'ai vécue n'a rien d'exceptionnel. Depuis environ quatre ans, elle a touché des dizaines de milliers de nos concitoyens.
Le mécanisme est simple. Vous êtes français de naissance. Votre passeport délivré avant 2005 arrive à échéance, vous l'avez perdu, abîmé ou encore vous vous l'êtes fait dérober. Muni du titre d'identité périmé ou de la déclaration de perte, vous allez à la mairie ou à l'antenne de police de votre arrondissement. Vous remplissez un formulaire. Il vous faut indiquer l'état civil et le lieu de naissance de vos deux parents. Un fonctionnaire vérifie qu'ils sont bien nés en France. Si c'est le cas, il applique la procédure susceptible de vous faire obtenir, après vérifications, un nouveau passeport dit "sécurisé". Dans le cas contraire, il la bloque.
Il y est obligé par le décret n° 2005-1726 relatif aux passeports : vous avez beau être français, né en France, y avoir toujours vécu, travaillé et voté, vous y être marié, y avoir eu des enfants, avoir régulièrement reçu des papiers d'identité, cela ne vous autorise en rien à obtenir un nouveau titre "sécurisé". Si l'un de vos deux parents au moins est né à l'étranger, une nouvelle contrainte vous incombe : fournir la preuve qu'il est (ou était) bien français.
Mais ne croyez pas que, si vos parents se sont mariés en France, qu'on leur y a délivré un livret de famille et des cartes d'identité, cela suffise. Selon les nouvelles règles, cela ne préjuge en rien de leur nationalité ni, à plus forte raison, de la vôtre. Peut-être les administrations anciennes ont-elles fait une erreur... Il vous appartient donc de produire un acte d'état civil établissant la source de leur nationalité. Sinon, vous n'obtiendrez pas de "certificat de nationalité française", le seul acte permettant la délivrance d'un titre d'identité "sécurisé".
Telle est la situation faite aux Français dont un parent est né à l'étranger : on les met en demeure de prouver par leurs propres moyens que l'administration française ne s'est pas trompée en conférant la nationalité française à ce parent. Sinon, interdit de quitter le pays. Et ce, en vertu du décret d'application d'une loi que le gouvernement Villepin, dont Nicolas Sarkozy était le ministre de l'intérieur, a fait voter en 2005 par l'Assemblée nationale. Une loi grâce à laquelle les responsables de l'administration ont enfin la possibilité de remettre droit ce que leurs prédécesseurs, depuis un siècle, voire plus, avaient laissé tordu.
Je ne vais pas m'étendre sur mon cas. Du côté de mon père, ma famille est française depuis Bonaparte. Ma mère était une réfugiée hongroise originaire de Szolnok, petite ville dont le grand-père paternel de Nicolas Sarkozy, fut l'adjoint au maire. On m'a envoyé au "pôle de la nationalité française". Une employée m'a demandé, sans rire : "Comment êtes-vous français, monsieur ?" J'ai failli répondre : "Comme vous." Elle sous-entendait : "Par naissance ou par acquisition ?", mais l'effet est néanmoins étrange. Renvoyé à la préfecture de police de Paris, j'ai produit mon acte de naissance établissant que j'étais né à Paris. Une employée l'a examiné et me l'a rendu en me disant : "Il y a rien, là-dedans..."
Mon cas était urgent. France Musique, pour qui je produis une émission, avait prévu de m'envoyer à Berlin. Avec une carte d'identité périmée et un passeport égaré, impossible de partir. J'ai prévenu ma direction. Le service de presse de la radio a pris pour moi un rendez-vous d'urgence à la préfecture de police. Le jour et l'heure dits, j'ai apporté tous les papiers que j'ai pu. Le résultat fut mitigé : on m'accorda un passeport d'urgence, valable pour un an seulement. Ce document provisoire ne peut me permettre, notamment, de me rendre aux Etats-Unis sans visa. Le responsable de la préfecture m'informa qu'on m'accordait ce document à titre exceptionnel, qu'on le ferait une fois, mais pas deux, et que j'avais intérêt à réunir au plus vite les bons papiers pour récupérer un passeport normal. Ce qu'à l'heure actuelle je suis dans l'impossibilité d'obtenir.
Mon cas est loin d'être le pire. Des dizaines de milliers de Français ont été mis en demeure de prouver qu'ils étaient français. Des témoignages comme le mien abondent depuis deux ans dans les journaux ou sur Internet : retraitées de l'éducation nationale à qui l'on interdit de rendre visite à des frères et soeurs malades à l'étranger, militaires risquant leur vie pour la France, dont les parents ont eu la mauvaise idée de naître en garnison à l'étranger, considérés comme apatrides, employés d'entreprise que l'on empêche de partir pour l'étranger où un travail les appelle, étudiants qui ne peuvent se présenter à des examens, avocats qui ne peuvent prêter serment. A tous, tous les jours, on refuse des papiers. On leur interdit de circuler, de travailler, en un mot de vivre, comme tous les Français. Certains voient leur situation débloquée au bout de six mois ou un an, d'autres jamais.
Face à une telle situation, on peut rire ou se mettre en rage. On peut s'exclamer : "C'est Gogol !" (ou Courteline, ou Kafka), on peut hausser les épaules et dire : voilà bien l'administration française et sa mécanique baroque, qui produit de l'absurdité au nom de l'application scrupuleuse de règles strictes. Ce n'est pas mon point de vue. Une telle situation est inacceptable. Elle résulte de l'application neutre d'une loi qui elle aussi se veut neutre. C'est bien le pire. Car, en fait et en droit, cette loi n'a rien de neutre. Elle est moralement, politiquement et juridiquement inadmissible.
Je ne suis pas juriste. Cela ne m'empêche pas de savoir lire le code civil : selon son article 2, "la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif". Or l'application de cette loi, dont le décret n° 2005-1726 est l'expression, est, de fait, rétroactive. Vous êtes né français, vous l'avez toujours été et, un jour, crac : un service administratif vous notifie que vous ne l'êtes plus, et que, donc, vous l'avez été à tort, et vos parents aussi. Alors que vous n'avez commis aucun crime ou délit. Ce n'est peut-être pas l'esprit de la loi, mais c'est un effet mécanique de son application. Ce déni d'un principe ancestral du droit français ne semble pas troubler certains fonctionnaires. Jointe au téléphone par une juriste s'occupant de mon cas, une personne responsable au "pôle de la nationalité française" n'a pas hésité à déclarer qu'"on a accordé un peu trop facilement la nationalité française ces dernières décennies
Quant à l'effet politique de cette loi, comment ne pas voir qu'il est destructeur ? Attendant mon tour à la préfecture, j'ai eu le loisir de parler avec mon voisin, français comme moi. Cet homme d'une trentaine d'années, né d'un père marocain, avait eu le malheur de renverser du café sur son passeport, qui ne passait plus au scanner des contrôles aux aéroports. Il revenait pour la troisième fois à la préfecture. Quand ce fut son tour, le ton monta vite entre lui et l'employée : "Non, monsieur, ce n'est pas à cause de votre nom, c'est la même chose pour tous les Français !", se mit à crier celle-ci. L'homme dut repartir bredouille, abasourdi.
Comment ne pas voir que l'application mécanique de cette loi, dans les faits, remet en cause, chez certains, leur appartenance à la nation dans ce que celle-ci a de plus viscéral ? Comment ne pas voir qu'elle a pour effet de créer une discrimination artificielle entre des Français qui seraient de première catégorie, à deux parents nés en France, et d'autres de seconde catégorie, qui se trouvent frappés de suspicion, et auxquels il appartient d'apporter la preuve qu'ils sont bien français ? En droit pénal, il existe une présomption d'innocence. Pourquoi, en droit civil, existe-t-il depuis 2005 une présomption d'usurpation de nationalité envers certains Français ? Si l'Etat conteste votre nationalité, c'est à lui d'apporter la preuve qu'il s'est trompé en vous la décernant, et non l'inverse.
Dernière question : la loi de 2005 prévoit des exceptions. C'est ce qu'on appelle "la preuve par la possession d'état de Français". En clair, s'il est avéré que votre père ou votre mère ont été français "de façon constante", la loi permet à l'administration de vous délivrer, à titre exceptionnel, un titre d'identité "sécurisé". Interrogé par des députés de l'opposition comme de la majorité sur cette question, le ministère de l'intérieur semble encourager ces exceptions et des circulaires rappellent aux fonctionnaires qu'ils peuvent user d'un droit d'appréciation personnel et faire preuve de souplesse et de compréhension.
Dans les faits, les administrations n'appliquent pas ces recommandations. Elles se montrent d'une rigidité inflexible. Cela mène à une impasse injustifiable. Que cette impasse résulte de la répugnance de tout fonctionnaire à prendre une décision qui le singularise et risque de créer des remous n'est en rien une circonstance atténuante. Je la trouve même aggravante.
Pourquoi ce double langage hypocrite ? Je n'ai pas la réponse. Mais je ne peux tolérer de vivre dans un pays où l'on pratique, vis-à-vis d'une certaine catégorie de citoyens, arbitrairement désignée, une forme de suspicion. Dans les faits, cela équivaut à une forme inédite de ségrégation. Il ne reste donc qu'une solution : faire amender cette loi. Je ne peux pas croire qu'un seul des députés et sénateurs, de tous bords politiques, qui ont voté ce texte ait souhaité instaurer une situation aussi inique au seul nom de la "sécurisation" des passeports. Je ne doute pas qu'ils auront à coeur de la corriger.
Michka Assayas, écrivain et producteur à France Musique.

samedi 12 décembre 2009

NÃO ANISTIE OS TORTURADORES!

APELO AO SUPREMO TRIBUNAL FEDERAL: NÃO ANISTIE OS TORTURADORES!

Exmo. Sr. Dr. Presidente do
Supremo Tribunal Federal
Ministro Gilmar Mendes

Eminentes Ministros do STF: está nas mãos dos senhores um julgamento de importância histórica para o futuro do Brasil como Estado Democrático de Direito, tendo em vista o julgamento da ADPF (Argüição de Descumprimento de Preceito Fundamental) nº 153, proposta em outubro de 2008 pelo Conselho Federal da Ordem dos Advogados do Brasil, que requer que a Corte Suprema interprete o artigo 1º da Lei da Anistia e declare que ela não se aplica aos crimes comuns praticados pelos agentes da repressão contra os seus opositores políticos, durante o regime militar, pois eles não cometeram crimes políticos e nem conexos.

Tortura, assassinato e desaparecimento forçado são crimes de lesa-humanidade, portanto não podem ser objeto de anistia ou auto-anistia.

O Brasil é o único país da América Latina que ainda não julgou criminalmente os carrascos da ditadura militar e é de rigor que seja realizada a interpretação do referido artigo para que possamos instituir o primado da dignidade humana em nosso país.

A banalização da tortura é uma triste herança da ditadura civil militar que tem incidência direta na sociedade brasileira atual.

Estudos científicos e nossa observação demonstram que a impunidade desses crimes de ontem favorece a continuidade da violência atual dos agentes do Estado, que continuam praticando tortura e execuções extrajudiciais contra as populações pobres.

Afastando a incidência da anistia aos torturadores, o Supremo Tribunal Federal fará cessar a degradação social, de parte considerável da população brasileira, que não tem acesso aos direitos essenciais da democracia e nesta medida, o Brasil deixará de ser o país da América Latina que ainda aceita que a prática dos atos inumanos durante a ditadura militar possa ser beneficiada por anistia política.

Estamos certos que o Supremo Tribunal Federal dará a interpretação que fortalecerá a democracia no Brasil, pois Verdade e Justiça são imperativos éticos com os quais o Brasil tem compromissos, na ordem interna, regional e internacional.

Os Ministros do STF têm a nobre missão de fortalecer a democracia e dar aos familiares, vítimas e ao povo brasileiro a resposta necessária para a construção da paz.

Não à anistia para os torturadores, sequestradores e assassinos dos opositores à ditadura militar.

Comitê Contra a Anistia aos Torturadores

Para ver a lista de assinantes e para assinar:
http://www.ajd.org.br/contraanistia_port.php

jeudi 5 novembre 2009

Giordano Bruno - Des signes des temps

Voici un spectacle magnifique présenté actuellement à l'Observatoire de Paris



mardi 13 octobre 2009

Niqab, hijab et burqa

Voici un remarquable article paru en septembre 2009 dans le n° 602 des Cahiers rationalistes, organe de l'Union rationaliste (14, rue de l'Ecole Polytechnique, 75005 Paris). Gérard Fussman est professeur au Collège de France, spécialiste des civilisations de l'Extrême Orient.








mardi 2 juin 2009

Échange de courrier sur Fritz Haber

Á la suite de mon article Le paradoxe de la science: Fritz Haber (paru aux Cahiers rationalistes et reproduit dans ce blog), j’ai reçu un intéressant commentaire de la part de David Vandermeulen. Chacun peut vérifier qu’il s’agit d’un spécialiste de Fritz Haber et de son temps en consultant les sites : Fritz Haber et Éditions Delcourt. Je ne puis que recommander la lecture du remarquable travail de David Vandermeulen.
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Commentaire de David Vandermeulen (31 mai 2009 à 17:50)
Cher Monsieur,
Merci à vous d’avoir mis en ligne cet article, c’est là une excellente synthèse. Travaillant personnellement sur Haber et son temps (http://fritz-haber.over-blog.com/ ou http://www.editions-delcourt.fr/fritzhaber/) je me permets un avis qui n’abonde peut-être pas pleinement dans le sens de vos conclusions mais qui, je l’espère, saura néanmoins rencontrer votre intérêt.
Car je pense pour ma part que Haber n’était pas, d’un point de vue éthique du moins, un cas si «à part» que cela. Je pense au contraire, comme le pensait aussi mon ami le philosophe des sciences Jean-Jacques Salomon, que l’absence de déni chez Haber a fait de lui un cas particulièrement symptomatique de la dérive éthique au sein de la communauté scientifique de ces dernières décennies ; jamais Haber n’a avoué une quelconque faute. Au contraire, comme vous le précisez dans votre texte, ce fut parce que ses supérieurs ne l’auront pas suivi que la première attaque chimique d’avril 1915 ne réussit jamais à apporter une conclusion définitive au conflit. Il est probable que la guerre s’est jouée à ce moment sur un paramètre essentiellement météorologique. Les vents auraient été favorables pour Haber, jamais des troupes n’auraient été envoyées à l’Est, et Calais aurait été prise en deux jours. Bien entendu, on ne refait pas l’Histoire avec des uchronies, mais ceci pour vous dire que Haber, de son point de vue, savait que ce qu’il a fait pendant la guerre était « ce qu’il fallait faire » ; un avis qui, il me semble, ne dénote pas tant des commentaires que l’on a pu entendre de la part des scientifiques du projet Manhattan, par exemple…
D’autre part, il me semble également, comme l’a très bien démontré Gershom Scholem dans un article sur le dialogue judéo-allemand resté célèbre, que l’échec de Haber lié à cette volonté d’«intégration et patriotisme» n’est pas non plus un cas que l’on pourrait si facilement qualifier de « à part ». Bien d’autres intellectuels juifs-allemands de la génération de Haber ont connu, à divers niveaux, des déboires du même type ; les cas de Rathenau ou Maximilian Harden sont en ce domaine assez éclairants. Quant à la part positive de Haber, rien ne nous permet réellement de croire en elle et il semble que notre regard soit encore fortement troublé par le prestige de son Nobel. Car même son travail qui lui valut le Nobel n’avait rien de très philanthrope : il savait dès 1912 à quel point le procédé Haber-Bosch, s’il aboutissait, offrirait à l’Allemagne l’occasion de ne plus dépendre des importations de salpêtres. Il savait également que ses travaux fourniraient à sa patrie une assurance de s’engager dans un conflit d’importance et c’est, selon moi, cette dimension qui en grande partie le motiva ; sauver le monde de la famine aurait été pour lui un objectif très secondaire.
Rappelons aussi que si l’Allemagne n’a pas réussi à s’imposer sur le point de vue des munitions, ce ne fut pas parce que le procédé Haber-Bosch n’était pas assez efficient mais bien parce que Haïm Weizmann, qui fut sur ce point précis un véritable alter-ego de Haber, réussit en1916 pour le profit de la Grande Bretagne à développer à grande échelle des productions d’acétone, relançant ainsi les Anglais dans la guerre (ce fut entre autre cet acte qui pesa favorablement dans les pourparlers qui menèrent à la Déclaration Balfour).
Un détail qui étonnera d’autant plus lorsque l’on sait que Weizmann, à la fin 1933, proposa à Haber, en toute connaissance de cause, de devenir le recteur de l’Université de Jérusalem. Haber mourra en janvier 34 et ne trouva pas le temps de se prononcer. Weizmann pendra l’initiative de choisir pour Haber en faisant venir en Israël, la bibliothèque Haber, l’une des plus prestigieuses collections scientifiques du début du XXe siècle. Celle-ci est encore aujourd’hui au sein de l’Institut Weizmann de Rehovot, alors que, autre curiosité de l’Histoire, les élèves et professeurs du Fritz Haber Institut de Berlin ont officiellement fait la demande fin des années 1990, de débaptiser leur école.
David Vandermeulen

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Ma réponse (31 mai 2009 à 23:48)

Monsieur
Merci pour ce texte que j'approuve intégralement. Je ne vois pas très bien pourquoi vous dites être en désaccord avec moi. Je partage complètement votre opinion. Je dis seulement qu'il y a aussi des chimistes différents de Haber, comme Marie Curie ou Primo Levi. Si vous n'y voyez pas d’inconvénient je publierai votre contribution dans mon blog: elle éclaire mon article et le complète sur plusieurs points.
Je tiens aussi à vous dire que j'apprécie votre travail sur Haber. Je ne connais pas la version papier, mais celle qui se trouve dans votre site est remarquablement bien faite. Quand l'occasion se présentera, j'espère pouvoir en faire un compte rendu pour l'une des revues auxquelles je contribue.
Cordialement
Arkan Simaan

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Réponse de David Vandermeulen (2 juin 2009 12:10)

Cher Monsieur,
Bien entendu, il ne s’agissait pas de ma part d’un véritable désaccord, mon intervention ne se résumait à rien d’autre qu’une légère divergence de point de vue, un complément qui s’attardait tout au plus sur cette petite phrase qui annonçait Haber comme un scientifique à part. Je ne suis qu’un simple auteur de bande dessinée privé de tout cursus scolaire, jamais je ne me serais permis de vous discuter aussi frontalement.
Il y a encore un point que j’aimerais développer un petit peu plus avec vous, c’est celui qui aborde le suicide de Clara Haber Immerwahr. Car sur ce sujet, les interprétations évoluent : de récents travaux d’historiens mettent désormais en doute la thèse du «suicide moral» qui découlerait principalement des agissements de Haber sur le front. Il est amusant de constater que la science historique «progresse» alors que les faits s’éloignent de plus en plus dans les pénombres de l’Histoire, mais il semblerait bien que Clara ne se soit pas suicidée à cause des recherches de Haber mais plutôt à cause d’un ensemble de circonstances (cinq suicides dans sa famille, une vie de couple désastreuse dès le second mois de mariage, une carrière scientifique malheureuse, morts de ses proches Abegg et Sackur, bellicisme de son mari, etc.). Pour avoir discuté de cette question avec une intellectuelle anciennement active au sein de formations proches du M.L.F., il est probable que certains mouvements féministes des années 1970 aient pour beaucoup participé à la construction de «sanctification» de Clara Immerwahr, celle-ci doit en effet sa sortie de l’ombre à cette époque ; les Voragine, sous d’autres atours, continuent d’agir encore de nos jours…
Nous ne connaîtrons probablement jamais la véritable cause de cette mort, et si croire au suicide moral est une option très séduisante, je pense que nous nous devons de reconnaître notre ignorance quant à ce point précis et apporter aux raisons de ce suicide les multiples événements qui ont contribués à fragiliser la santé mentale de Clara Haber... et non plus nous concentrer sur le seul geste éthique.
Bien à vous.
David Vandermeulen

vendredi 29 mai 2009

Le paradoxe de la science : Fritz Haber

par Arkan Simaan



NOTE: Article paru dans les Cahiers rationalistes, n° 579, novembre-décembre 2005. Des versions légèrement modifiées et/ou réduites ont été publiées par le Bulletion de l'Union des physiciens et par Science et pseudo-sciences. Une traduction en portugais a été faite pour la Sociedade Portuguesa de Química.
Le lecteur peut trouver des compléments à cet article dans une autre section de mon blog: Échange de courrier sur Fritz Haber


Résumé
Fritz Haber, prix Nobel de chimie 1918, doit sa gloire à la synthèse de l’ammoniac à partir de l’azote atmosphérique, donc à la solution du problème des engrais. Mais il est aussi l’initiateur de la guerre chimique et l’inventeur du funeste Zyklon B.


Fritz Jacob Haber naît en 1868 à Breslau (aujourd’hui Wroclaw), ville appartenant alors à la Prusse. Trois ans après, l’Allemagne s’unifie après une victoire militaire éclatante contre la France. Le père de Fritz, Siegfried, juif non pratiquant, importateur d’indigo naturel, possède un commerce de colorants, activité que l’unification rendra florissante, et dont l’Allemagne aura bientôt le monopole. Une imposante industrie chimique se développe en effet dans la nation, fondée sur les immenses réserves de charbon, et exploitant la distillation de la houille.

Le père de Fritz Haber élève son fils avec une sévérité spartiate. Soulignons qu’en Prusse les éducations rigoureuses sont réputées vertueuses, on valorise la sévérité, la discipline, l’armée et le nationalisme : le patriotisme sert en effet de ciment pour la cohésion du pays. Malgré l’unification, subsistent encore les différends régionaux et religieux qui ont souvent couvert de sang les pages de son histoire. Dieu, Patrie et Science deviendra bientôt le nouveau credo de Guillaume II. Voici comment ce kaiser félicitera Wilhelm Röntgen de sa découverte des Rayons X (1896) : “Je loue Dieu de ce nouveau triomphe de la science pour notre patrie allemande.”

Fritz Haber commence ses études dans un prestigieux Gymnasium de Breslau et, comme c’était alors l’usage, il suit une formation universitaire en plusieurs centres, dont les Universités de Berlin et de Heidelberg : il obtiendra en 1891 un doctorat en chimie organique. Les universités allemandes sont alors étroitement associées aux industries chimiques de pointe, particulièrement celles de médicaments et de colorants. Tout substance nouvelle créée dans les usines est immédiatement analysée dans les laboratoires universitaires. Et vice-versa : ces derniers livrent des brevets aux industriels pour d’autres composés de synthèse. Le personnel scientifique aussi emprunte cette route à double sens, passant des industries aux universités. Le nombre de savants est donc immense : l’Allemagne compte onze fois plus de chimistes que la France, par exemple.

Après ses études, Fritz Haber rejoint l’entreprise paternelle. Il s’engage cependant dans une transaction commerciale imprudente, enfonçant son père dans les difficultés. C’est donc sans peine que Siegfried voit son fils s’en aller vers la carrière académique. Mais si un universitaire ne brevette pas une invention intéressante, sa rémunération est incertaine : seuls les professeurs titulaires jouissent d’une paie correcte et régulière. Les autres, aussi bien les professeurs assistants que les associés, dépendent des élèves qu’ils recrutent.

La conversion

En 1892, Fritz Haber abjure le judaïsme et devient luthérien. Même si les conversions restent minoritaires dans la communauté, de nombreux juifs adoptent le christianisme dans l’espoir d’une promotion : le baptême leur permet en effet de postuler aux emplois réservés aux chrétiens dans l’armée et la fonction publique. Mais le succès de l’opération n’est pas garanti : on n’oublie jamais l’origine des individus. Ainsi, en 1900, Haber convoite une chaire de professeur titulaire à l’Institut Technique de Karlsruhe, où il enseigne en qualité d’associé. Mais on l’écarte en raison de ses ascendances juives. Deux ans après, il postule à l’Université de Vienne. Mais les préjugés ne s’arrêtent pas aux frontières : malgré un premier avis favorable, sa candidature sera rejetée parce qu’il est “juif baptisé”.

Il faut aussi voir dans la conversion de Haber une volonté d’intégration, sentiment répandu parmi certains juifs. Influencés par la culture allemande, ils ne respectent plus les règles alimentaires de la communauté et se sentent plus proches des usages chrétiens que des pratiques juives orthodoxes. Imprégné de littérature, de musique et de philosophie allemandes, Fritz Haber en est le parfait exemple. Confondant christianisme et germanisme, il devient patriote jusqu’à la caricature : le patriotisme devient même sa nouvelle religion. Il ne critique jamais publiquement le gouvernement, quelle que soit la politique suivie. Peu avant sa mort, en quittant l’Allemagne nazie, il exprimera ce regret : “J’ai été allemand à un tel point que je ne m’en rends vraiment compte qu’aujourd’hui.”

Le mariage

En 1901, Fritz Haber épouse Clara Immerwahr, juive convertie et titulaire d’un doctorat de chimie, le premier – paraît-il – décerné à une femme à l’Université de Breslau. Dix mois après le mariage, elle accouche d’un fils à la suite d’une grossesse problématique. La carrière de cette femme déterminée qui sut combattre les préjugés pour obtenir son diplôme sera anéantie : sous l’ombre du mari, elle n’arrivera jamais à se frayer une place au Soleil. “Ce qui reste de moi, a-t-elle confié à un ami en 1909, me remplit de la plus profonde insatisfaction. (…) La faute en revient à la suffocante personne de Fritz (…) tout être qui n’est pas encore plus égoïste et grossier que lui part en éclats.” Clara assure parfois la traduction en anglais des écrits de son mari.

Á cette époque, Fritz Haber développe des œuvres d’intérêt chimique : en 1898, il édite un manuel plaidant pour une association industrie-université et élucide la réduction électrochimique du nitrobenzène. En 1904, il explique l’équilibre quinone-hydroquinone et invente avec Max Cremer l’électrode en verre pour mesurer l’acidité d’une solution. Il publie l’année suivante un ouvrage important pour la recherche et l’enseignement de la thermodynamique.

Le spectre de la famine mondiale

Comment nourrir la population mondiale qui enfle ? Voici l’un des problèmes des gouvernements européens à la fin du XIXe siècle.

Il s’agit en fait de la vieille question malthusienne. Un siècle plus tôt, l’Anglais Thomas Robert Malthus avait en effet pronostiqué un sombre avenir pour l’humanité si la population devait croître plus vite que la nourriture. Elle n’aura d’autre alternative, disait-il, que la famine ou la guerre pour rétablir l’équilibre. En 1898, cette préoccupation apparaît dans un discours de William Crookes, président de la British Association for the Advancement of Science : il annonce la catastrophe alimentaire pour les prochaines décennies. L’augmentation de la population, dit-il, dépasse largement la capacité de moisson des États-Unis et de la Russie, principaux producteurs de blé, qui devront cesser leurs exportations pour subvenir à leurs besoins. L’Angleterre, importatrice de céréale, est particulièrement vulnérable, continue-t-il, car “la première arme dans une guerre ce sont les aliments”. Plaidant pour une intensification de la culture de blé, Crookes demande : où trouver les engrais azotés ? Inutile de compter sur le nitrate sud-américain, le guano [1] et le salpêtre du Chili [2], car leurs gisements s’épuisent à vue d’œil. En effet, ces produits ne servent pas seulement à fabriquer des engrais mais aussi des explosifs. La seule solution, dit le savant, consiste à produire le nitrate à partir de l’ammoniac, prélevant l’azote dans l’atmosphère, réserve inépuisable.

Bien entendu, les hommes d’affaires londoniens n’avaient nullement attendu cette intervention alarmiste pour comprendre l’importance du nitrate sud-américain. Plus particulièrement ceux qui avaient fait du commerce lucratif avec John Thomas North, le “roi du salpêtre”. Ce dernier avait eu en effet la mainmise sur le salpêtre du Chili presque jusqu’à sa mort, survenue deux ans avant le discours de Crookes. North avait été le grand bénéficiaire de la Guerre du Pacifique (1879-1883), conflit au cours duquel le Chili avait dépecé la Bolivie et le Pérou, confisqué leurs gisements de nitrate (qui s’appellera désormais “salpêtre du Chili”) et confié ensuite leur exploitation à North, qui devint ainsi l’un des plus riches Anglais. En effet, le guano et le salpêtre du Chili ne servaient pas seulement aux engrais, mais aussi – et surtout – à la fabrication d’explosifs.

Si le discours de Sir William Crookes n’apporte aucune information nouvelle pour les milieux d’affaires, elle illustre en revanche l’acuité de la crise du nitrate : le salpêtre du Chili s’épuise à vue d’œil, son prix va même grimper de 25% entre 1902 et 1904. En revanche, la conférence de Crookes rend écho dans les milieux savants qui commencent aussitôt à réfléchir sur une manière de fixer l’azote atmosphérique sous forme d’ammoniac.


Synthèse de l’ammoniac

Sur le terrain des études scientifiques, les Allemands sont particulièrement avantagés, leur pays ayant déjà résolu le lancinant problème des recherches, le financement. Encouragés par le gouvernement, banquiers et industriels agissent de concert : les industriels achètent des brevets, engagent des savants talentueux et les banquiers fournissent les fonds. Il se forme ainsi un complexe académico-industriel-bancaire d’une redoutable efficacité.

Un des premiers chimistes à trouver une synthèse de l’ammoniac est Friedrich Wilhelm Ostwald, futur Nobel de chimie (1909). Il propose vers 1900 une réaction catalysée par le fer à la BASF (Badische Anilin und Soda Fabrik). Chargés d’analyser la faisabilité industrielle du procédé, Carl Bosch et Alwin Mittash, deux chimistes de l’entreprise, émettent un avis négatif car ils n’arrivent pas à reproduire les résultats annoncés. Sur ces entrefaites, le Français Henri Le Chatelier essaie lui aussi de réaliser cette réaction. Mais il abandonne les recherches en 1901, à la suite d’une explosion dans son laboratoire. Plus tard, il déplorera ainsi cette décision : “Ce fut le plus grand aveuglement de ma vie.”

En 1904, Haber et l’Anglais Robert Le Rossignol tombent sur une synthèse encourageante vers 200°C et 200 atmosphères. Malgré de telles conditions, inédites jusque-là en laboratoire, la réaction reste lente. Pour l’accélérer, ils essayent divers catalyseurs et trouvent, par hasard, l’osmium, métal très rare. En 1908 Haber présente à la BASF un montage donnant 100 centimètres cubes d’ammoniac liquide à l’heure. Une rude négociation s’engage entre lui et la société qui, par précaution, achète la totalité de l’osmium disponible sur le marché : celui qui détient l’osmium, détient la clef du procédé. Simultanément, Carl Bosch et Alwin Mittasch, sans limitation de crédit, testent d’autres catalyseurs possibles.

Voyant le temps passer, Haber informe ses interlocuteurs que la Hoechst s’intéresse désormais à sa méthode. L’aiguillon est efficace : la BASF lui offre illico une participation aux bénéfices et une rente annuelle de 6.000 marks, le double de son salaire. Cependant, quelques mois après, Haber rencontre le banquier et président d’Auer, Léopold Koppel, juif converti qui deviendra son ami. Haber communique donc à la BASF qu’il va accepter la direction des recherches d’Auer pour un salaire à “six chiffres”. Bluff ou pas, cette annonce inquiète la BASF. Même si elle possède déjà le brevet, elle regarde d’un œil noir cette collaboration, d’autant plus que Carl Bosch rencontre de sérieuses difficultés pour viabiliser industriellement le procédé de Haber. La BASF porte donc le salaire du savant à 23.000 marks. En outre, elle autorise Haber à travailler pour Auer à la seule condition qu’il s’engage à proposer préalablement à la BASF toute nouvelle recherche qu’il pourrait envisager de faire.

Les années avant la Guerre

Léopold Koppel est un mécène. En 1905, il avait mis sur pied la Fondation Koppel, à l’image de l’Institution d’Andrew Carnegie, philanthrope américain qui avait grandement favorisé la science de son pays. Lorsque l’empereur allemand envisage en 1910 de fonder l’Institut Kaiser Wilhelm, organisme semi-public pour drainer des fonds privés vers la recherche, il s’adresse naturellement à Koppel. Enthousiasmé, ce dernier conseille au kaiser de confier l’Institut Kaiser Wilhelm de Physico-chimie et d’Électrochimie à Fritz Haber. En 1911, Haber vient donc s’établir à Berlin, où il fréquentera les plus importants personnages d’Allemagne, à commencer par l’empereur, et exercera une influence décisive sur la vie scientifique. Douce vengeance pour celui qui avait enduré maintes humiliations avant de devenir professeur titulaire à Institut Technique de Karlsruhe (1906).

Haber sera bientôt consulté au sujet de l’envoi de Max Planck et Walther Nernst à Zurich pour inviter Albert Einstein à venir en Allemagne. Le père de la relativité, qui deviendra un grand ami de Haber, s’installera à Berlin en 1913, l’année même où la première usine de production d’ammoniac voit le jour. Il a fallu en effet quatre années de dur labeur à Carl Bosch pour vaincre les difficultés. Le chemin qui mène un procédé de laboratoire vers la production industrielle est semé d’embûches. Secondé par centaines de collaborateurs, il avait testé environ 20.000 composés avant de trouver le catalyseur idéal de la réaction. [3] Bosch dut ensuite construire des compresseurs gigantesques capables de fonctionner jour et nuit. Cette prouesse industrielle sera récompensée par un prix Nobel en 1931, qu’il partagera avec Friedrich Bergius. Carl Bosch a si profondément transformé la méthode initiale de Haber que l’on parle de “procédé Haber-Bosch”. Manquant de modestie, il aurait provoqué la fureur de Haber en parlant ainsi de son usine : “Il n’y a plus rien de Haber ici”.

La première usine ouvre ses portes quelques mois seulement avant la Première Guerre mondiale avec une production journalière de trois à cinq tonnes de nitrate, matière première indispensable pour les explosifs. En 1918, elle dépassera 300.000 tonnes annuelles, quantité supérieure aux importations d’avant-guerre. Sans cela, les Allemands auraient été défaits avant 1916 en raison du blocus anglais.

Haber pendant la guerre

Le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche tombe à Sarajevo sous les balles d’un partisan de la cause serbe. Un mois après, éclate la guerre : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie d’un côté, la France, la Grande Bretagne et la Russie de l’autre commencent les combats. Dans une ambiance d’enthousiasme, la population de Berlin applaudit son armée lorsqu’elle viole les frontières de la Belgique neutre en août. Devant la cause de la Patrie, les dissensions s’estompent y compris lorsque les troupes massacrent une partie de la population de Louvain, soulevant l’indignation en France et en Angleterre. En revanche, en Allemagne, le gotha intellectuel lance un lamentable “Appel au monde civilisé”. Ce manifeste signé (parfois sans lecture préalable) par 93 personnalités du monde culturel affirme : “Sans notre militarisme la civilisation allemande serait anéantie”. Qualifiant de “juste” la punition que les soldats allemands “se sont vus forcés d'infliger aux bandits” de Louvain, les signataires écrivent ces mots : “[Ceux] qui ne craignent pas d’exciter des mongols et des nègres contre la race blanche [4], offrant ainsi au monde civilisé le spectacle le plus honteux qu’on puisse imaginer, sont certainement les derniers qui aient le droit de prétendre au rôle de défenseurs de la civilisation européenne.” En bas du manifeste figurent plusieurs prix Nobel ou futurs lauréats : en plus de Fritz Haber, Wilhelm Roentgen (physique, 1901), Emil Fischer (chimie, 1902), Philipp Lenard (physique, 1905), Paul Ehrlich (médecine, 1908), Wilhelm Ostwald (chimie, 1909), Wilhelm Wien (physique, 1911), Richard Willstätter (futur Nobel de chimie 1915), Max Planck (futur Nobel de physique, 1918) et Walther Nernst (futur Nobel de chimie, 1920).

Signalons que quelques savants, dont Einstein qui n’a pas encore de notoriété, signent un contre-manifeste et que le nationalisme est virulent aussi dans les autres pays, par exemple en France, où l’on vient juste d’abattre Jean Jaurès.

L’arme chimique

Dès les premières batailles, les généraux allemands savent que la victoire sur le front occidental sera difficile. Ce qui aurait dû être une promenade pour les troupes du Kaiser, devient en fait une guerre de tranchées, où les soldats s’embourbent. Le chef d’état major, Erich von Falkenhayn, charge donc Walther Nernst d’une recherche sur les gaz irritants et lacrymogènes pour obliger les soldats alliés à quitter leurs positions. Nernst échoue, et Fritz Haber s’offre pour prendre sa suite.

Il s’agit cependant d’une question délicate : deux traités signés à la Haye (en 1899 et en 1907) proscrivaient formellement l’usage des gaz de combat. Le premier texte stipulait que “les puissances signataires s’accordent pour s’abstenir d’utiliser tout projectile dont le seul but est la diffusion de gaz asphyxiant ou délétère”, et le deuxième interdisait l’usage des poisons et des armes toxiques dans la guerre. Les gaz irritants et lacrymogènes faiblement concentrés (donc non mortels) seraient-ils également prohibés? Quoi qu’il en soit, les Français les utilisent les premiers avec un résultat plus que médiocre. L’armée allemande exploitera bientôt ce geste pour justifier ses recherches, qui avaient en réalité été envisagées bien avant l’action française.

Toutefois, les recherches de Haber se révèlent difficiles. En décembre, une explosion dans son laboratoire tue le chimiste Otto Sackur et, le mois suivant, des obus chargés de lacrymogènes se révèlent inefficaces. Falkenhayn prend donc la responsabilité de franchir un cap, d’utiliser des poisons. Pour faciliter le travail de Haber, le kaiser intervient personnellement pour l’élever au grade de capitaine, contre les vœux de la hiérarchie militaire. Bien que ce soit un titre sans commandement, Haber jubile : cette récompense sans précédent pour un savant né juif le remplit de fierté.

Le chlore devient la pièce maîtresse de l’opération car il peut être produit en abondance par l’industrie des colorants. Gaz lourd, il ne s’envole que lentement lorsqu’il est répandu sur le sol, donnant ainsi le temps au vent de l’emporter vers la cible choisie. Falkenhayn comprend vite l’intérêt de cette procédure qui contourne l’interdiction de l’usage de “projectiles”. Y a-t-il quelqu’un d’assez stupide pour ne pas voir qu’un produit versé par terre n’est pas transporté par projectile ?

Haber organise aussitôt une équipe avec Walther Nernst et quelques futurs Nobel, parmi eux James Franck (physique, 1925), Gustave Hertz (physique, 1925) et Otto Hahn (chimie, 1944). Signalons aussi Carl Duisberg, directeur de la puissante Bayer, qui met au service de la cause l’appareil productif de l’entreprise. En revanche, Haber essuie le refus de Max Born et d’Emil Fisher. “Du fond de mon cœur patriotique, je vous souhaite l’échec”, dit ce dernier à Haber en faisant ce pronostic : “Après les Allemands, les autres feront de même.” [5]

Langemarck (près de la ville belge d’Ypres) est choisie pour le premier essai en avril 1915. Sous la surveillance personnelle de Haber, les Allemands enterrent, la nuit, des centaines de fûts, environ 170 tonnes de chlore, sur une ligne de 6 kilomètres : il indique précisément les emplacements pour les enfouir. Pendant plusieurs jours, Haber attend que le vent souffle dans le bon sens. Et à la bonne vitesse. Si elle est trop forte, le poison se disperse sans avoir le temps d’agir ; si elle est trop faible, les assaillants s’exposent au retour possible d’effluves dangereux. L’attaque ne survient donc que le 22 avril, alors que Falkenhayn, impatient, avait déjà retiré une partie de ses troupes, affaiblissant ainsi le potentiel offensif allemand.

Aussitôt ouverts, les fûts dégagent un nuage verdâtre qui dérive sur les troupes françaises, où se trouvent beaucoup d’Algériens. L’effet est terrible : le poison corrode la bouche, les yeux et les bronches. Asphyxiés, les hommes, deux mains à la gorge, sortent des tranchées crachant du sang. D’autres, aveuglés, sautent à petit pas, tombent et agonisent dans la souffrance. Les soldats qui vont au secours des malades sont fauchés par les mitrailleuses. Pas étonnant donc que les fantassins abandonnent leurs positions, ouvrant ainsi une brèche sur le front. Les Allemands avancent alors sur les tranchées désertées : le sort de la guerre peut basculer. Les troupes que Falkenhayn avait retirées font maintenant défaut. De plus, comme des arroseurs arrosés, les Allemands tombent dans leur propre piège : il reste du chlore dans les dépressions du terrain. Ceci les conduit à reporter leur attaque, permettant aux Alliés de s’organiser. Dès le lendemain, ces derniers vont opposer une résistance farouche, et, le 24 avril, les Allemands ouvrent d’autres fûts de chlore, cette fois-ci sur l’armée anglaise, fortement composée de Canadiens. Mais l’effet de surprise est passé. Lorsque la bataille se termine le 27 avril, les Alliés ont déjà repris une partie du terrain perdu. Leurs pertes sont cependant lourdes : 15.000 blessés, 5.000 morts (notons que certains historiens divisent ces chiffres parfois par dix.)

Ce crime de guerre qui va souiller à jamais le nom de Fritz Haber, aura une terrible répercussion chez lui. A la suite d’une violente altercation (où se mêlent également, semble-t-il, des questions de jalousie), sa femme, indignée, se suicide dans la nuit du premier mai avec le pistolet de son mari. Réveillé par la détonation, terrorisé par la scène, son fils de quatorze ans trouve sa mère moribonde dans une flaque de sang. Dès que le jour se lève, Fritz Haber part sur le front de l’est.

En 1917, Haber se marie avec Charlotte Nathan, qui lui donnera deux enfants, dont Ludwig, historien des sciences spécialisé dans l’arme chimique. À l’époque de son mariage, le savant se trouvait à la tête d’une Fondation destinée aux armes nouvelles, c’est-à-dire aux poisons de combat, fonction qu’il remplira consciencieusement jusqu’à la fin de la guerre : il dirigera environ 200 chercheurs. “L’État Major a rencontré en mon père – dira son fils Ludwig – un organisateur énergique, déterminé, et peut-être même sans scrupule.” Haber met au point des engins pour utiliser des gaz encore plus mortifères que le chlore, comme le phosgène et l’ypérite [7]. Il n’oubliera pas non plus de plaider pour l’accroissement de la production d’ammoniac, produit fondamental pour la guerre mais aussi pour ses finances.

Avec le recul, on sait que la guerre chimique n’a pas donné la victoire à l’Allemagne. Fischer avait raison : en peu de temps, les belligérants s’arrosaient mutuellement de gaz vénéneux.

Haber après la guerre

Novembre 1918 : le régime impérial s’écroule et la République est proclamée. Recherché comme criminel de guerre, Haber s’enfuit en Suisse, dont il obtient la nationalité, privilège réservé aux gens fortunés. En novembre 1919, on lui octroie le Nobel attaché à l’année 1918, ce qui provoque un tollé dans le monde. Obligée de s’expliquer, la Commission d’attribution du Nobel assure qu’elle récompense uniquement l’inventeur de la synthèse de l’ammoniac, grâce à laquelle on combat la faim dans le monde. En effet, le procédé Haber-Bosch permet de nourrir aujourd’hui au moins deux milliards d’individus.

Ce débat affecte profondément Haber qui souffre déjà de la défaite de son pays. Dans son esprit, les gaz avaient un but humanitaire car ils visaient à raccourcir la durée de la guerre. De plus, il reprend l’argument par lequel l’ambassadeur américain avait refusé de signer la Convention de la Haye (1899) : une arme chimique qui étouffe quatre cent hommes n’est pas plus inhumaine qu’une torpille qui coule un bateau, chargeant l’eau d’étouffer quatre cent passagers. Avec cet argument cynique, Haber refuse de voir que les gazés ne meurent pas tous, que les survivants traîneront à jamais des souffrances psychologiques et physiques.

Les poursuites contre Haber sont rapidement abandonnées car les puissances coloniales ne souhaitent pas jeter un discrédit excessif sur cette arme. En effet, dès 1919, les Anglais bombardent l’Afghanistan d’ypérite et les Espagnols vont arroser en 1923 le Rif marocain de gaz moutarde, avec la bénédiction des Anglais qui veulent contrer l’influence française en Afrique du Nord. Plus important encore, les connaissances et l’expérience de Haber sont maintenant convoitées partout. Par exemple, au début des années 1920, l’URSS et l’Espagne l’invitent à monter des usines d’armes chimiques dans leurs pays. Ne voulant pas y aller, Haber confie ces missions à Hugo Stoltzenberg, père de Dietrich Stoltzenberg (un biographe de Haber) qui fait cette révélation à partir de documents privés.

Aussitôt qu'il peut, Haber rentre en Allemagne, reprend ses fonctions et transforme son institut en un centre international de recherches important. Il se donne pour but de sauver son pays de l’effondrement économique. Rêve mégalomaniaque ? Non, dit-il. N’a-t-il pas déjà sauvé l’Allemagne auparavant avec la synthèse de l’ammoniac ? Sa nouvelle idée consiste à payer les lourdes réparations de guerre en retirant l’or de la mer. En 1923 notamment il entreprend une campagne d’extraction, mais le projet se révèle économiquement désastreux. [8]

Au niveau de ses recherches, Haber continue à développer après-guerre des poisons chimiques avec l’excuse de combattre les nuisibles des silos, les rongeurs et les insectes. Toutefois, derrière cette façade, son équipe fabrique en secret des armes chimiques. Pour éviter que l’Allemagne ne soit devancée par les autres nations, il met au point le Zyklon B. Peut-il alors se douter que ce composé funeste sera utilisé dans les camps d’extermination de la Seconde Guerre mondiale? Peut-il même imaginer que plusieurs de ses familiers et amis en seront victimes?

Le nazisme

Dans la décennie 1920 la vie de Haber est perturbée par une perte d’argent et par le divorce avec sa deuxième femme. Il ne voit donc pas vraiment la montée du nazisme dans les milieux culturels. S’il la voit, il la minimise.

Pourtant les agressions commencent dès l’automne 1920. Deux Prix Nobel de physique, Philipp Lenard et Johannes Stark s’en prennent à la relativité d’Einstein sous prétexte qu’elle blesse le bon sens. D'ailleurs, ils vont rapidement la dénoncer comme “fraude juive”, accusation qui sera reprise par les hitlériens.

En 1924, l’offensive raciste se rapproche de Haber : son meilleur ami, Richard Willstätter (Nobel de chimie 1915), démissionne avec fracas de son poste. Indigné par les raisons du refus d’un professeur juif par le corps enseignant de l’université de Munich, il quitte pour toujours son laboratoire. Le séjour de Willstätter avait en effet toujours été pénible dans cette université. Le roi Ludwig de Bavière n’avait-il pas admonesté ainsi son ministre en 1915 en signant sa nomination au poste de professeur : “C’est la dernière fois que j’autoriserai le recrutement d’un juif”?

Contrairement à Einstein, Haber ne participe pas au combat contre le national-socialisme montant. Lorsque Hitler arrive au pouvoir en janvier 1933, Einstein est à Pasadena et Haber au Cap Ferrat. Alors qu’Einstein attaque aussitôt le nouveau régime, Haber rejoint tranquillement son poste, prenant le chemin inverse de nombreux intellectuels : plus de 100 savants de haut rang, parmi eux de nombreux prix Nobel, quittent le pays en 1933. Sans précédent dans l’histoire, cette hémorragie intellectuelle ne pouvait qu’affaiblir l’Allemagne. En 1979, Raymond Aron a fait cette remarque à Fritz Stern : “Le XXe siècle aurait pu être celui de l’Allemagne.”. On mesure la performance de ce pays avec ce chiffre : de 1901 à 1932, de la création du Prix Nobel à l’arrivée au pouvoir de Hitler, l’Allemagne avait eu 35 lauréats, la majorité écrasante en physique, chimie et médecine.

Au-delà des hommes de science, la fuite des cerveaux atteint aussi les milieux littéraires et artistiques, comme le dramaturge Bertolt Brecht qui cherche d’abord refuge au Danemark et, ensuite, en Finlande, les cinéastes Fritz Lang, Max Ophuls en France, etc. Ces lieux d’exil sont toutefois atypiques, les transfuges choisissant pour la plupart de traverser l’Atlantique dès le début de la fuite. Le directeur de l’Institute of Fine Arts (New York), n’a-t-il pas déclaré : “Hitler est mon meilleur ami, il secoue l’arbre, je recueille les pommes” ?

La fin

Peu après l’incendie du Reichstag (25 février 1933), Hitler déclenche une féroce répression sur les communistes, puis sur les démocrates, les socialistes, les syndicalistes, les homosexuels et les groupes ethniques ou religieux comme les tziganes et les juifs. Un décret visant à arianiser l’administration exige la démission des juifs. Il prévoit cependant une exception pour les vétérans de guerre, catégorie où se trouvent Fritz Haber et James Franck : ils peuvent rester à leur poste, mais doivent démettre leurs subordonnés juifs, baptisés ou pas.
Estimant qu’il ne pourrait jamais se regarder dans une glace s’il acceptait une telle ignominie, James Franck démissionne immédiatement. En avril, il écrit à Haber “qu’il n’acceptera jamais cette miette de charité que le gouvernement offre aux vétérans de guerre de race juive”. Faisant allusion aux atermoiements de Haber, il ajoute : “Je respecte et je comprends la position de ceux qui veulent rester à leurs postes aujourd’hui, mais il faut aussi qu’il y ait des personnes comme moi.” Ébranlé, Haber présente aussi sa démission à compter…du premier octobre. Il se dirige vers Cambridge mais, ne supportant pas le climat anglais, il part vers Bâle, où il décède en janvier 1934.

Quel sentiment doit-on avoir à l’égard de Fritz Haber ? Admiration pour le savant ou mépris pour l’homme sans scrupules ? A partir de son exemple, il faudrait éviter de condamner une science, la chimie, ou d’accabler les prix Nobel de la discipline, parmi lesquels on trouve la remarquable Marie Curie. Or, Fritz Haber est un cas à part. Non seulement il a échoué dans sa volonté de lier intégration et patriotisme, mais il illustre parfaitement le paradoxe de la science : toute recherche peut être à la fois source de progrès ou de malheur. Le même homme qui a inventé la synthèse de l’ammoniac a utilisé ses connaissances pour produire des gaz de combat. Qu’y a-t-il de mieux pour finir ce texte sinon ces mots de Rabelais : «science sans conscience n’est que ruine de l’âme.»

Notes

[1] “Guano”, mot d’origine quechua, signifie “fiente d’oiseau”. Accumulé en grande quantité sur les côtes du Pérou et du nord du Chili, ce produit est constitué essentiellement de sels ammoniacaux, d’acide urique, d’oxalate de calcium, etc. Les Incas l’auraient, paraît-il, déjà utilisé en agriculture.

[2]Le salpêtre du Chili est le nitrate de sodium.

[3]Le catalyseur était le fer en poudre mélangé à des petites quantités d’oxydes d’aluminium, de calcium et de potassium.

[4] Il s’agit d’une allusion aux soldats recrutés par la France et l’Angleterre dans leurs colonies.

[5] En réalité, Fischer finira par collaborer à une fondation dirigée par Haber. A la fin de la guerre, il se suicidera, chagriné par la perte de ses fils au front, mais aussi, probablement, par sa participation à l’effort de guerre chimique.

[6] Hermann, le fils de Clara et de Fritz Haber restera traumatisé. En 1947, il se suicidera aussi aux Etats-Unis, acte imité plus tard par sa propre fille.

[7] L’ypérite ou “gaz moutarde” a pour formule ClCH2CH2SCH2CH2Cl. D’abord utilisé en 1917 à Ypres (d’où son nom), ce gaz extrêmement toxique aurait été synthétisé pour la première fois en 1860 (certains parlent de 1822). Pour se protéger, les soldats doivent non seulement porter des masques mais aussi des vêtements imperméables, ce qui gêne leurs mouvements. Utilisé par les deux belligérants, il est l’un des plus importants gaz de combat de la Première Guerre mondiale. Un certain Adolf Hitler a laissé le récit d’une attaque à l’ypérite en 1918 (alors qu’il était caporal) qui lui a probablement fait perdre la vue pendant plusieurs jours.

[8] Ces recherches s’échelonnent de 1921 à 1927. Haber tablait sur environ 6 mg d’or par tonne d’eau de mer. Il n’en a trouvé que 0,004 mg, c’est-à-dire moins d'un millième de ce qu’il espérait.

Bibliographie très sommaire


GORAN Morris, The Story of Fritz Haber, University of Oklahoma Press, 1967.

LEPICK Olivier, La grande guerre chimique : 1914-1918, Presses Universitaires de France, Paris, 1998.

Nobel Lectures, Chemistry 1901-1921, Elsevier Publishing Company, Amsterdam, 1966 (disponible sur Internet: http://nobelprize.org/chemistry/laureates/1918/haber-bio.html.

PERUTZ Max “ Le Cabinet du Dr. Fritz Haber ”, La Recherche n° 297, décembre 1997.

STERN Fritz, Einstein’s German World, Allen Lane, The Penguin Press, London, 2000.

STOLTZENBERG Dietrich, Fritz Haber: Chemist, Nobel Laureate, German, Jew : A Biography, Heritage Press, 2004.

mercredi 18 février 2009

Finissons avec les élevages industriels !

Aimeriez-vous vivre à côté d'une porcherie industrielle ? Non seulement cette activité génère de la mauvaise odeur et de la pollution mais, de plus, elle maltraite les animaux en les confinant dans des espaces réduits. Tout cela pour aboutir à une viande de mauvaise qualité pour le consommateur et à d'énormes profits pour l'éleveur.
Fin décembre 2008, une association s'est créée dans le Poitou pour refuser ce genre d'établissement : l'Acipe (Association Citoyenne pour la Protection de l'Environnement). Bien que sa vocation soit régionale, elle se donne pour but de lutter contre toute atteinte à l'environnement en collaboration avec d'autres organisations écologiques similaires sur le plan national. Or, quand on met le doigt dans l'engrenage de la lutte pour la protection de l'environnement et/ou la sauvegarde du cadre de vie, on découvre d'infinies autres raisons de se mobiliser, tant les agressions à la nature et à la santé publique sont malheureusement nombreuses. L'Acipe s'est donc engagée aussi dans le combat contre l'augmentation de la température de l'eau de la Vienne due aux rejets de la centrale nucléaire de Civeaux, au problème du traitement des déchets de Châtellerault et à d'autres questions.
À vous, mes amis, si vous partagez le souci des membres de l'Acipe, allez à leur site (Acipe) pour signer une pétition en faveur de leur lutte. Si pour vous c'est peu de chose, pour eux c'est beaucoup.

mercredi 14 janvier 2009

Frédérique Rémy commente l’Écuyer d’Henri le Navigateur

(*Frédérique Rémy est Directrice de Recherches au CNRS et auteur de plusieurs livres et articles sur la glaciologie)

Article paru dans la Recherche du 5 janvier 2009 : La Recherche

L’écuyer d’Henri le Navigateur

Arkan Simaan, le physicien et historien des sciences, est connu pour avoir publié aux éditions Adapt-Vuibert différents livres sur l’Image du monde (des Babyloniens à Newton avec Joëlle Fontaine, puis de Newton à Einstein) ainsi que La science au péril de sa vie qui relate les aventures de ces savants qui ont arpenté la Terre pour la mesurer.
C’est Arkan Simaan, le romancier maintenant, celui qui étudia à l’université de São Paulo et possède le portugais au point de pouvoir lire des vieilles chroniques médiévales oubliées, en langue archaïque qui nous conte l’histoire vraie des expéditions du début du XVe siècle d’Henri le Navigateur à travers un écuyer imaginaire, Raul Pimentel (L’Ecuyer d’Henri le Navigateur, L’Harmattan, 2007, 26 €). Pour rejoindre le Mali en évitant le territoire des Maures, les portugais doivent pendre la mer et, exploit sans précédent, arrivent à dépasser le cap Bojador en 1434. On découvre les prémisses des grandes expéditions maritimes des Portugais à la conquête du monde, la quête du Prête Jean mais aussi celle de l’or et des richesses.
Arkan Simaan nous fait revivre les premières rencontres des européens et des peuples d’Afrique, inconnus jusqu’alors, mais aussi le fanatisme religieux et les premières razzias d’esclaves... Chroniques médiévales oubliées ou occultées ?
Frédérique Rémy, CNRS

Pour voir la couverture du livre et le commander, cliquer ici:
L’Écuyer d’Henri le Navigateur